Des balles crépitent tout l’avant-midi vers Miti en territoire de Kabare. Un pasteur aurait été lynché et mis à mort. Il aurait été surpris en train de voler. Des jeunes curieux le retrouvent avec une poule et des bananes plantains retranchées frauduleusement dans une maison de son voisin.
L’évènement se passe à Kafulumae dans le groupement de Miti en territoire de Kabare. Il est tué par la masse et cela soulève certains membres de sa famille. Ce énième cas de vindicte populaire hausse les chiffres repris sur les statistiques liées à la justice populaire dans cette partie de la province du Sud-Kivu.
En effet, la province du Sud-Kivu se démarque par des cas répétitifs de justice populaire aussi bien dans la ville de Bukavu que dans les territoires. Depuis 2019, année d’accession au pouvoir du régime de Felix Tshisekedi en remplacement de celui de Joseph Kabila par les élections, ces cas ont connu une monté en puissance.
C’est presque chaque deux jours qu’un cas de justice populaire est enregistré en province.
D’après le média en ligne Debout RDC, au cours de l’année 2021, par exemple, 130 (cent trente) personnes ont été lynchées dans la province du Sud-Kivu et une vingtaine d’autres depuis le début de l’année en cours jusqu’au 27 avril.
Le dernier cas en date est celui d’un militaire soupçonné d’avoir tiré sur un homme d’affaire à Kamanyola, en territoire de Walungu, dans la nuit du dimanche 02 octobre 2022. Celui-ci a été tué et son corps a été brulé par la population en colère.
Précédemment, dans la ville de Bukavu, du 04 au 06 juillet 2022, la commune d’Ibanda a enregistré à elle seule deux cas de justice populaire. Un homme soupçonné d’être voleur a été brûlé vif à Panzi et un autre tabassé à mort au Camp Saïo « pour avoir volé une poule ».
Interrogée, la population évoque l’inaction et l’impunité qui caractérisent aussi bien l’appareil judiciaire que les services de sécurité en province. Dans le territoire de Fizi, certains acteurs sociaux et délégués communautaires ont, le 09 septembre 2022, fait une déclaration2 qu’ils vont continuer à s’adonner à la justice populaire comme solution pour réduire les tueries devenues monnaie courante dans leur territoire. Pour motif, ils évoquent la « défaillance et la lenteur du système judiciaire, l’absence des prisons et la relaxation rapide de certains auteurs de meurtres, crimes, viols et violences sexuelles ».
Entendu que la justice populaire crée des fractures sociales au niveau de la communauté et l’absence de l’autorité de l’Etat, si rien n’est fait, nous allons assister à une situation telle que les innocents vont périr dans la colère et le jugement de la masse ; ce qui est susceptible d’engendrer des règlements de compte inutiles et des conflits dans le chef de la population agissant au vu et au su de l’autorité.
Ainsi, le rôle des autorités sécuritaires et judiciaires s’avère impérieux dans le sens de rassurer la population des mesures et sanctions mises en place pour lutter contre la justice populaire dans la province du Sud-Kivu.
- Angel Nsimire